30
Teresa prit le train pour Londres. Elle avait envie de jouer les touristes, prendre quelques photos et acheter des cadeaux pour ses amis. Elle savait qu’elle ne tarderait pas à quitter l’Angleterre. Un jour ou l’autre, il faudrait bien qu’elle reprenne le travail. Certes, son chef lui avait donné un congé « prolongé », sans date de retour ferme, mais elle savait que, quelles que soient les circonstances, le Bureau n’accordait jamais de vacances illimitées. Et le temps qui lui était alloué touchait à sa fin.
Le train la déposa à la gare de Charing Cross, au cœur de la capitale. Trafalgar Square n’était qu’à quelques minutes de marche, et de là Whitehall, le Parlement et, finalement, Buckingham Palace. Après s’être promenée consciencieusement pendant une heure ou deux, Teresa en eut assez de jouer les touristes. Elle prit un taxi qui la déposa à Piccadilly Circus et partit à la recherche de Shandy.
Elle marcha le long de Coventry Street jusqu’à ce qu’elle se transforme en rue piétonne, puis repartit en arrière en empruntant le trottoir d’en face. C’était toujours le même décor de base, mais en même temps il était totalement différent : de nombreux détails ne collaient pas. Peut-être parce que le scénario de Shandy se déroulait dans les années 90 et que, depuis, on avait bâti de nouveaux immeubles ou modifié ceux qui existaient déjà ? Ou parce que ce qu’elle avait vu n’était qu’une émulation informatique bourrée d’approximations ? C’était sa faute : lorsqu’elle était dans le scénario, elle aurait dû faire davantage attention au décor, mais comme c’était souvent le cas, l’impact sensoriel était si fort qu’il en devenait difficile de se concentrer sur autre chose.
Elle finit par trouver Shaver’s Place, une petite allée étroite qui s’éloignait vers le sud, mais il n’y avait là rien qui puisse être converti en studio où tourner des films pornos. De l’autre côté de la rue, vers le nord, s’étendait Rupert Street et, au-delà, Shaftesbury Avenue. À mi-chemin de Rupert Street, elle trouva un pub du nom de Plume of Feathers, à l’endroit exact où il se situait dans ses souvenirs. Mais à peine Teresa eut-elle passé le seuil qu’elle comprit que ce n’était pas le même endroit. Tout y était différent. Elle regarda autour d’elle sans trouver personne qui ressemblât à Shandy, du moins telle qu’elle devait être aujourd’hui, vieillie de quelques années.
Elle refit le même chemin en sens inverse en pensant au jour où elle avait remonté cette rue, ou une rue qui lui ressemblait, avec une minijupe de cuir qui moulait ses cuisses pendant que la jeune femme lui parlait de la Finlande et de l’Arizona. Elles avaient abandonné Willem dans le pub pour arpenter Coventry Street. Teresa poussa jusqu’à la statue d’Éros, puis descendit les marches d’une bouche de métro et constata que, là où il n’y avait qu’un mur de briques dans le Londres virtuel, se tenait une vraie station bourdonnante d’activité.
Elle remonta dans la rue et retourna dans Rupert Street. Elle eut envie de jeter un nouveau coup d’œil au Plume of Feathers, mais résista à la tentation et marcha jusqu’au croisement de Shaftesbury Avenue, où elle continua jusqu’à Solio.
Là, les rues étaient beaucoup plus étroites. Après quelques centaines de mètres, elle remarqua une entrée entourée de panneaux de plastique rose illuminés, visiblement portables, contenant de grandes photos représentant des femmes nues ou presque nues. Un homme au visage masqué par un casque virtuel rudimentaire tendait des mains avides vers ces créatures de rêve. Un écriteau manuscrit proclamait : Frissons extrêmes – imports – entrée libre – RÉSERVÉ AUX ADULTES !
Un portier gardait l’entrée ; c’était un jeune homme aux cheveux courts et hérissés, avec des larmes tatouées au coin de l’œil, et qui portait un costume sombre plutôt incongru, avec col et cravate.
Teresa réalisa que cette boutique devait vendre des équivalents des ExEx, et une idée lui traversa l’esprit. Elle connaissait tout ce qui était disponible en ExEx : elle pourrait probablement trouver des scénarios avec Shandy dans ce trou à rats… peut-être même celui où elle l’avait rencontrée pour la première fois, dans ce saloon.
Les pensées de Teresa s’envolèrent immédiatement vers les frontières de la réalité : dans son imagination, elle descendait dans la cave qui s’ouvrait derrière cette porte et payait le jeune homme pour pouvoir entrer dans le scénario où Shandy interprétait une cow-girl qui baisait avec enthousiasme un cow-boy au fort accent néerlandais, pour ensuite repartir avec la jeune femme, incrustée dans son corps et son esprit, sentant ses habits négligés qui moulaient ses formes, puis elles sortiraient du studio pour se diriger vers ces rues autour de Piccadilly et Leicester Square, puis au nord, et traverseraient Shaftesbury Avenue jusqu’à cet endroit précis, l’entrée de ce club ExEx, et Shandy et elle franchiraient sa porte et iraient explorer les extrêmes de l’irréalité…
« Que voulez-vous, mademoiselle ? Vous voulez entrer ?
— Non, fit Teresa, surprise.
— On fait des prix aux dames. De grosses réductions. Venez, je vais vous montrer.
— Non… je ne veux pas entrer. Avez-vous entendu parler d’une fille du nom de Shandy ? »
Un instant, sa question parut déconcerter le jeune homme, et les larmes tatouées soulignèrent son expression défaite ; puis il fourra sa main dans sa poche et en tira un petit paquet de cartes de visite.
« Ouais, Shandy. La voilà. Vous la voulez, vous l’aurez. On a toutes les Shandy qu’il vous faut. Vous voulez vous amuser vous-même avec Shandy ou juste regarder ?
— Vous savez vraiment de qui je veux parler ? insista Teresa. Son vrai nom est Jennifer. Elle travaille dans le quartier, dans des rades comme celui-ci.
— Ouais, ouais. »
Il tendit ses cartes et, du bout de doigts qui, à sa grande surprise, étaient longs et délicats avec des ongles immaculés, s’empara de celle du haut. Teresa crut qu’il allait la lui tendre pour qu’elle lise les informations détaillées, mais inutiles, mais il la prit soigneusement entre le pouce et le médius et grinça de ses dents jaunies.
« Shandy. Grosses réductions pour faire joujou entre filles. On a plein de Shandy.
— C’est bon, c’est bon, j’ai compris. »
Teresa tourna les talons, furieuse de s’être laissé embobiner par ce type. Mais le simple fait de l’avoir abordé avait quelque chose d’inquiétant. Qu’avait-elle donc en tête ?
Et qu’arriverait-il si elle mettait en pratique son propre petit script ? Si, à l’intérieur d’un scénario, elle tombait sur une succursale de GunHo ou un rade sordide, en tout cas un endroit où on disposait d’un équipement ExEx, et entrait dans un autre scénario ?
Où serait le virtuel ? Est-ce que les réalités deviendraient non plus contiguës, mais entrecroisées ?
« Hé, m’dame ! »
Elle continua son chemin.
« M’dame ! »
C’était le jeune homme, qui l’avait suivie. Il lui posa une main sur le bras.
Elle se dégagea.
« Ça suffit ! s’écria-t-elle. Ça ne m’intéresse pas.
— Dites, vous êtes l’une des nôtres ? Vous êtes Shandy ? »
Il n’avait plus la voix mesurée et mécanique d’un aboyeur de rues. Sa sincérité n’était pas feinte. Il désignait son cou. Teresa remarqua qu’il était beaucoup plus jeune qu’elle ne l’aurait cru, à peine majeur. Il tourna la tête et posa un doigt sur sa nuque.
Là où était enchâssée sa propre valve à nanopuce. Teresa l’identifia sur-le-champ, et pourtant elle n’en avait jamais vu de semblable. Elle était plus grosse que la sienne et faite d’un plastique violet vif avec à sa base un matériau argenté, sans doute du plastique, mais verni pour ressembler à du métal luisant. On aurait dit une gemme bon marché dans une monture tape-à-l’œil.
Teresa n’avait jamais aimé exhiber sa valve ; elle pensait que, pour qui n’était pas dans le secret, elle devait ressembler à la cicatrice d’une opération. En général, elle la cachait derrière un col roulé ou une écharpe. Au contraire, la nanopuce du jeune homme s’exhibait à tout va, un éclair à la base de son cou, comme un piercing, un effet de mode, une déclaration tribale.
« Vous connaissez l’ExEx, m’dame ? Vous êtes des nôtres ! Grosse, grosse ristourne sur les vrais ExEx ! On va vous trouver Shandy, c’est sûr !
— Non, répéta-t-elle, mais avec moins d’assurance que précédemment. Écoutez, je sais ce qu’est l’ExEx. Je ne pensais pas qu’ils avaient des succursales de ce type, c’est tout.
— Réservé aux membres. Vous voulez devenir membre ? Vous ne voulez pas entrer ? Aujourd’hui, c’est le moment d’en profiter ! »
Teresa comprit que, depuis le début de leur conversation, elle perdait son temps, et elle battit en retraite. Le jeune homme tenta à nouveau de l’attirer à l’intérieur, mais elle lui tourna le dos et s’en alla d’un pas qu’elle souhaitait résolu.
Elle ne tarda pas à atteindre le croisement de Shaftesbury Avenue et dut attendre un trou dans le trafic pour pouvoir traverser. Elle jeta un coup d’œil en arrière : le jeune homme ne l’avait pas suivie.
Elle marcha jusqu’à Charing Cross Road et passa presque une heure à parcourir une immense librairie dans l’espoir de se changer les idées. Ensuite, elle retourna à Leicester Square et alla voir un film. Elle attrapa le dernier train pour Bulverton avec quelques minutes d’avance ; elle n’avait pas consulté les horaires au préalable et avait eu de la chance de ne pas le rater.
Une heure plus tard, alors que le train quittait Tumbridge Wells pour s’enfoncer dans les ténèbres presque ininterrompues du Sussex, Teresa, seule dans le wagon, ferma les yeux et essaya de dormir. Son corps était las d’avoir tant marché, mais son esprit restait vif et alerte.
Malgré la musique tonitruante et les effets spéciaux explosifs, elle avait à peine suivi le film qu’elle avait vu avant de partir. Une lumière s’était allumée dans son esprit. Au début du spectacle, alors qu’elle était là, dans la salle, à attendre que l’écran s’illumine, elle s’était souvenue de la conversation qu’elle avait eue avec Ken Mitchell dans le couloir de l’hôtel et de ces objections apparemment incompréhensibles qu’il avait soulevées face à sa présence dans l’hôtel.
À l’époque, ses histoires de cohérence linéaire et de pureté narrative n’étaient que du jargon, la langue naturelle des fondus d’informatique. Mais le scénario de Shandy avait modifié sa perspective. Cette idée qui l’avait frappée devant le sex-shop à ExEx, selon laquelle les réalités pouvaient s’entrecroiser, lui fit enfin comprendre ce que Mitchell voulait vraiment dire.
Un scénario ExEx représentait déjà une forme d’intersection. Il constituait une interface entre les variables humaines et la logique numérique.
Les programmeurs s’emparaient des souvenirs des gens concernant un événement précis, ce qu’ils ressentaient, ce qu’ils en disaient par la suite, ce que leur imagination créait autour de ces moments, et même la façon purement subjective dont ils voyaient les choses. Ils prenaient tous ces éléments et les retranscrivaient en langage codé pour obtenir une forme d’expérience plus ou moins objective, et tout cas qui présentait l’apparence de la réalité, virtuellement du moins. C’est ainsi que naissaient les scénarios.
Mitchell lui avait parlé de ce qu’il appelait les croisements réactionnels : le fait qu’un utilisateur de l’ExEx puisse affecter par inadvertance la forme du scénario afin que, durant les visites ultérieures, celui-ci donne l’impression de s’être modifié pour prendre en compte cette visite et celles qui l’ont précédée.
Dés le départ, elle avait pressenti la nature interactive de l’ExEx. La seule différence, c’est que désormais elle comprenait un peu mieux la façon dont l’interactivité servait à tester les limites des scénarios.
Par contre, elle ne comprenait pas pourquoi les programmeurs y voyaient une menace.
Mais cet après-midi-là, elle avait eu la plus démentielle des idées : entrer dans le scénario de Shandy, s’y déplacer, tester ses limites, emmener la jeune femme au sex-shop à ExEx près de Shaftesbury Avenue, puis entrer dans un autre scénario ExEx, une simulation à l’intérieur d’une simulation…
Mais cela ne pouvait pas se produire, pas dans ce scénario. Celui-ci se déroulait en 1990, bien avant que l’ExEx soit accessible au public, avant même qu’il ne voie le jour dans l’esprit de son inventeur. Cette simulation où vivait Shandy ne comprenait donc pas le matériel nécessaire.
Mais depuis 1990, bien des choses avaient changé.
C’est là, dans le cinéma, alors que le film commençait, que Teresa s’était souvenue du problème de logique que présentait le cas Gerry Grove. Les armes dédoublées et ce laps de temps inexpliqué qui entachaient le dernier après-midi de son existence.
Il était de notoriété publique que Grove s’était rendu au bâtiment ExEx de Bulverton avant de commettre ses premiers meurtres, ceux d’une mère et de son enfant qui pique-niquaient dans les bois près de Ninfield. Mais nul ne savait ce qu’il avait fait à l’intérieur du bâtiment, avant d’entamer pour de bon sa croisade meurtrière.
Bien sûr, Teresa avait posé la question au personnel de l’ExEx dans l’espoir que l’un d’entre eux s’en souvienne, mais ils lui répondirent de façon évasive et ne cessèrent de se contredire sur des détails. La tuerie de Grove était certainement l’événement le plus important qui se soit jamais passé à Bulverton depuis les bouleversements de la Seconde Guerre mondiale, et pourtant les témoins semblaient avoir oublié des éléments cruciaux relatifs à ce jour-là.
Du point de vue adopté par Ken Mitchell et ses collègues, toute tentative de recréer les événements devrait obligatoirement tenir compte de cette visite. Mitchell le lui avait dit très clairement.
Grove avait-il déjà entrecroisé deux réalités le jour du massacre ? Était-il entré dans une Expérience Extrême ?
Cela pouvait-il expliquer le mystère des armes découvertes dans le coffre de sa voiture volée ? On savait combien Grove en possédait, et ce jour-là il les avait emportées toutes les deux. On n’en retrouva pas une seule chez lui. Il y avait deux armes dans la voiture en plus des deux dont il s’était servi. Il y avait déjà un croisement ; ces armes semblaient être les mêmes.
La plupart des rapports officiels et médiatiques s’attardaient sur les armes à feu que Grove avait utilisées ce jour-là. Certains parlèrent des deux autres qu’on avait retrouvées dans la voiture. Mais personne n’eut l’idée de confronter ces éléments. Face à l’idée que deux faits objectifs et vérifiables puissent être en contradiction, il y avait comme une résistance, une volonté délibérée de rester dans le vague.
Malgré les cahots et les trépidations du wagon, Teresa finit par tomber dans un demi-sommeil. Elle sentait que le problème, et donc sa solution potentielle, ne cessait de lui échapper. Il y avait tant de choses qu’elle ne pouvait comprendre.
À Robertsbridge Station, le train fit un long arrêt. Le gardien ne lui donna aucune explication, et il n’y avait personne d’autre pour la renseigner. La nuit et le froid retombèrent sur les wagons inertes. Deux employés des chemins de fer arpentèrent lentement les voies en éclairant vaguement les roues du faisceau de leurs lampes torches. Un peu plus loin, ils entamèrent une conversation avec quelqu’un, probablement le conducteur. Teresa entendit leurs éclats de voix, mais ne put comprendre ce qu’ils se disaient. Les portières se refermèrent en claquant. Un générateur se mit à bourdonner sous le plancher du wagon. Teresa se tassa sur son siège, redoutant d’entendre une voix qui lui annoncerait que le train était tombé en panne ou était mis hors service. Il était déjà une heure du matin, et elle avait hâte de regagner son lit. Sa journée avait été longue, trop longue. Finalement, à son grand soulagement, le train reprit sa route.
Elle ne pouvait s’empêcher de penser à Grove, surtout depuis qu’elle-même s’était aventurée dans le scénario retraçant le jour du massacre.
Il était impossible d’oublier ce qu’elle avait ressenti lorsqu’elle était dans son esprit. Ses pensées lui étaient arrivées en pleine face, telle l’haleine indésirable d’un inconnu, comme si elle s’était soudain tenue trop près de son visage. Comment pouvait-on s’éloigner de quelqu’un dont on occupait l’esprit ? Toute cette expérience était une véritable descente aux enfers ; elle n’avait pas vu le démon qui, selon certains, avait possédé Grove, mais s’était retrouvée face à un être profondément malheureux et à l’esprit déficient, entortillé dans ses angoisses et assoiffé de vengeance. Il était sain d’esprit, mais aussi malade : Grove était vicieux, dangereux, impossible à raisonner, asocial, imprévisible, prompt à réagir violemment, bourrelé de haine, sans personne qui l’aime, sans personne qu’il aime.
Son esprit, obsédé par des détails absurdes et dérisoires, avait définitivement largué les amarres, et la moindre intrusion pouvait l’affecter. Rien qu’en entrant dans ce scénario pour occuper provisoirement son esprit à la dérive, elle pouvait avoir provoqué des croisements réactionnels.
Lorsque Mitchell lui avait parlé, dans le couloir menant à sa chambre, on aurait dit qu’elle avait déjà provoqué un croisement, alors qu’en réalité c’était impossible.
« En réalité… »
Cette phrase ne cessait de revenir dans ses pensées. Mais la réalité n’était qu’une présomption qui n’avait plus droit de cité.
Teresa savait déjà qu’il existait des réalités contiguës, que d’autres événements pouvaient s’entrecroiser, et maintenant elle commençait à croire que Gerry Grove avait provoqué un tel croisement.
Aujourd’hui, dans le sillage de ce massacre, dans laquelle de ces réalités vivaient-ils ? Celle où Grove avait laissé ses flingues dans le coffre ou celle où il était retourné à sa voiture, en avait sorti les armes et les avait emportées dans le centre-ville ?
Ce brouillage des mémoires lui donnait un indice quant à la réponse : les deux propositions étaient vraies. Le croisement qui préoccupait tant Mitchell s’était déjà produit. Mais qui l’avait provoqué ? Grove ? Ou elle-même ?
Vu son état de fatigue, ses pensées se mordaient la queue. Il était trop tard pour aborder un sujet aussi difficile. Elle ne cessait de reculer face aux conséquences de ses propres extrapolations.
Enfin, vingt-cinq minutes après l’heure prévue, le train s’arrêta à Bulverton. Teresa quitta son siège d’un pas lourd et constata qu’elle était la seule passagère du wagon mal éclairé. La gare était tout aussi déserte : il n’y avait pas un employé en vue. Elle retourna à son hôtel le plus vite possible. Tout ce qu’elle désirait désormais, c’était regagner son lit.
Elle entra en catimini dans l’hôtel en utilisant la clé qu’Amy lui avait donnée quelques jours plus tôt et traversa tranquillement l’immeuble assoupi. L’escalier grinça sous ses pas. Lorsqu’elle atteignit sa chambre et referma la porte, ce fut avec une impression qu’elle n’avait pas ressentie depuis son adolescence, celle de rentrer en retard, en cachette, comme une voleuse.